La Vierge à l’Enfant de l’église Notre-Dame-de-l’Assomption

 

Une sculpture symbolique à l’histoire étonnante

Le majestueux tabernacle qui trône dans l’absidiole nord de l’église Notre-Dame-de-l’Assomption n’est pas l’unique pièce qui mérite le coup d'œil dans cette partie de l’édifice. En effet, lors d’une visite de l’église de Taverny, impossible de ne pas remarquer la sculpture en bois représentant la Vierge et son fils ! L’avez-vous regardée de près ?

Cette statue datée du XIVème siècle est en réalité une reproduction d’une autre statue de Vierge à l’Enfant, en ronde-bosse (technique de sculpture en trois dimensions), datée du XIIIème siècle. Sculptée en bois de chêne, elle est particulièrement jolie, ce qui lui a valu d’être souvent choisie comme symbole de l’église dans les livres ou pour les publications anciennes de la paroisse. Mais au-delà de sa seule apparence, son histoire est pleine de rebondissements !

Déplacée à maintes reprises et même… volée !

La statue n’a pas toujours été à l’entrée de la chapelle absidiole : l’abbé Leboeuf signale qu’en 1755, elle était placée dans la niche du fronton du retable renaissance qui se trouve dans le chœur. Elle était alors peinte comme le retable, en marbre blanc veiné, ce qui induisit en erreur l’abbé, qui la décrit comme étant de marbre ou d’albâtre. La statue fit ainsi partie de l’ornementation du retable jusqu’en 1874.

Par la suite, elle fut placée dans la chapelle de la Vierge. Sous le ministère de l’abbé Octave Poulain, et, en accord avec Paul Simil, l’architecte diocésain de l’époque, on en profita pour la réparer et enlever les couches de peinture qui la recouvraient. Cette opération de nettoyage révéla qu’il s’agissait en réalité d’une statue en bois polychrome, les couleurs datant du XIVème siècle. Paul Simil, après avoir fait réparer quelques pièces de la statue et une partie de la couronne qui manquait, la fit redécorer comme elle était autrefois.

Puis, en 1895, l’abbé Thomas, curé de Taverny, et Lucien Magne, le nouvel architecte diocésain, résolurent d’enlever cette décoration polychrome, pour donner à la statue son état naturel de bois de chêne ; c’est ainsi que nous l’admirons encore aujourd’hui et c’est cette apparence qui a pu donner quelques idées à certains malfaiteurs…

Toujours en 1895, une reproduction de la statue fut produite dans les ateliers de moulage artistique du Trocadéro. Un moulage remplaça la statue originale sur le fronton du retable.

Cinq ans plus tard, la Vierge à l’Enfant figura d’office à l’Exposition Universelle, au Palais des Arts Rétrospectifs, où elle fut très remarquée, et, en juin 1901, elle fut classée comme monument historique au titre objet par la direction des Beaux-Arts.

Jusqu’à la séparation de l’Église de l’État en 1905, la statue se trouvait alors dans le jardin de l’ancien presbytère, avant d’être déplacée au cœur de l’édifice.

Fin octobre 1974, l’histoire de notre Vierge en bois connut de nouveaux rebondissements. Et pour cause, la statue fut volée ! Heureusement, elle est retrouvée six mois plus tard, le 27 février 1975, chez un antiquaire… à Liège en Belgique ! Les malfaiteurs avaient abattu le modèle en plâtre vraisemblablement pour éviter que l’on identifie rapidement la statue dérobée.

Aujourd’hui, la statue se trouve toujours dans l’absidiole nord, mais elle a été déplacée sur une corniche pour permettre l’installation du tabernacle Louis XIII lorsque celui-ci a été restauré.

 

Une évolution de la représentation de la Vierge à l’enfant

Sur cette statue, la Vierge apparaît couronnée, assise sur un trône, soutenant de la main gauche l’Enfant Jésus assis sur son genou. L’Enfant, de sa main droite, bénit le monde, tandis que sa main gauche tient un livre. À l’origine, la Vierge tenait dans la main droite un sceptre à fleur de lys aujourd’hui perdu, symbolisant sa royauté, tout comme sa couronne.

Cette statue montre bien l’évolution des représentations de Vierges à l’Enfant : dans l’art roman (du XI au XIIIème siècle), elles sont fréquemment représentées assises sur un trône et tenant un Jésus adulte sur leurs genoux.

À partir du XIVème siècle l’art gothique va privilégier la figure centrale de la Vierge alors que l’Enfant Jésus est représenté comme un nouveau-né potelé.

Cette image d’une Vierge couronnée est inspirée de la Bible : l’évangéliste Matthieu raconte ainsi la visite des mages : « et entrés (les mages) dans la maison, ils virent l’Enfant avec Marie sa mère et tombèrent prosternés devant lui. Et ouvrant leurs trésors ils lui offrirent en dons de l’or de l’encens et de la myrrhe » (chapitre 2 verset 11).

Dans les évangiles, Jésus est appelé « Fils du roi David » : il est donc de lignée royale, et les mages lui offrent des cadeaux dignes de cette lignée ! Dès lors, puisqu’il est roi,  cette royauté est aussi celle de Marie. En effet l’expression « l’enfant et sa mère » renvoie le lecteur à un autre texte de la Bible où la mère du roi est appelée « gebirah », que l’on peut traduire par reine (Livre des Rois, chapitre 2).

Article rédigé avec l'aide précieuse de l'Association Culturelle Notre-Dame de Taverny (https://acndt.wordpress.com)