Le retable de l'église Notre-Dame-de-l’Assomption

Une œuvre d’art monumentale

Il semblerait que cette œuvre monumentale sorte des ateliers du sculpteur Jean Goujon, lequel a travaillé pour le roi de France Henri II, mais aussi pour le duc de Montmorency. C’est d’ailleurs le connétable Anne de Montmorency qui en aurait fait don à l’église. Placé dans l'abside, le retable a pourtant bien failli être déplacé. Pire, il aurait pu disparaître !

Une histoire très mouvementée

À l’origine, simple meuble de bois ou de pierre placé derrière l’autel pour y ranger des objets liturgiques, le retable se développe au Moyen-Âge jusqu’à devenir, au cours du XVIIe siècle, un véritable élément décoratif à part entière dont l’iconographie évoque la vie du Christ, de la Vierge et des Saints. Celui de l’église de Taverny, classé aux Monuments historiques, en est l’exemple parfait.

On dénombre aujourd’hui quelque 6 000 retables à travers la France, d’époque, de taille, de style et d’état différents, référencés par le ministère de la Culture. Celui de l’église Notre-Dame-de-l’Assomption a été érigé au milieu du XVIe siècle, durant la Renaissance et a failli disparaître.

Et pour cause, dans le but d’installer dans le chœur le tabernacle* Louis XIII (aujourd’hui dans l’absidiole** nord de l’édifice), on brisa les colonnes qui supportent la corniche et on râcla les fresques du centre du retable. En 1834, il fut même décidé de badigeonner et d’empâter les sculptures du retable pour « l’embellir » et « rehausser sa valeur ». Une couche de peinture censée lui donner un aspect de marbre blanc veiné… En 1875, il fût envisagé de détruire cette « muraille (…) du plus désagréable effet », pour reprendre les mots de l’historien Émile Lambin (1898). Les partisans de cette destruction lui reprochaient de cacher l’abside, de casser la perspective et de dissimuler les nouveaux vitraux offerts par les notables de la ville. De fait, le couronnement du retable fut enlevé pour laisser voir les vitraux. Ainsi saccagé, cette pièce monumentale était vouée à disparaître ! Elle fut heureusement sauvée grâce à l’abbé Thomas, curé de Taverny…

Suite de l'article paru dans le Taverny Mag  #49 - décembre 2022
Article rédigé avec l’aide précieuse de l’Association Culturelle Notre-Dame de Taverny (https://acndt.wordpress.com)

En grattant la couche de peinture badigeonnée du retable, l’abbé Thomas découvrit la richesse des sculptures, la pierre étant restée intacte. L’administration des Beaux-Arts, alertée, décida de le restaurer à la fin des années 1890, grâce au soutien financier de madame Yves Crépon, châtelaine à Taverny.

Le retable fut restauré par l’architecte Lucien Magne, grand connaisseur de l’architecture religieuse et du vitrail, également professeur d’histoire de l’architecture à l’école des Beaux-Arts de Paris, épaulé par le peintre Paul Gomez.
Aujourd’hui, ce chef d’œuvre de la Renaissance est classé aux Monuments historiques.

Les dessous du retable de Taverny

Ce retable en pierre s’inspire du style de l’antiquité gréco-romaine : colonnes ioniques (avec chapiteaux à volutes et cannelures), frises, niches, cariatides, entablement et fronton.

Les portes latérales sont encadrées de colonnes et dans les écoinçons sont sculptés des personnages tenant une corne d’abondance. Au niveau inférieur sont creusées des niches contenant deux statues : à gauche, une Vierge à l’Enfant, appelée Notre-Dame des Fers et réputée propice aux prisonniers ; à droite, une sainte tenant la palme du martyre (peut-être Sainte Catherine d’Alexandrie, martyre en 307).

Au-dessus, une frise sculptée de rinceaux de chêne et d’olivier relie trois parties. À gauche, on distingue trois croissants de lune entrelacés (le croissant de lune est l’emblème d’Henri II), les initiales de Catherine de Médicis et d’Henri II, ainsi qu’une discrète référence à sa maîtresse Diane de Poitiers. La partie droite symbolise Anne de Montmorency par deux épées couronnées encadrant un oiseau aux ailes déployées. Entre les deux, le sculpteur a représenté les attributs de la Passion du Christ.

Au niveau supérieur figurent les quatre Évangélistes, encadrés par les armes d’Anne de Montmorency et de son épouse Madeleine de Savoie. Celles de Madeleine sont entourées d’une cordelière terminée par une houppe.

Tout-en-haut du fronton était placé un moulage de la vierge du XIIIe, réalisée en 1898 par les ateliers rétrospectifs du Trocadéro, aujourd’hui disparu.

Des monogrammes sont présents à l’intérieur de la niche : un A sous lequel sont placées les lettres I et un M reliées pour former un H et un S. Il s’agit du trigramme « IHS » (« Jésus hominun salvator » : Jésus sauveur des hommes). Le A au-dessus du M pourrait signifier « Ave Maria » … ou bien les initiales de Anne de Montmorency, comme sur l’un des carreaux de pavage du château d’Ecouen.

Le retable est complété par les tableaux du triptyque central, œuvre de Lucien Magne, qui représentent au centre la crucifixion et de part et d’autre les donateurs du retable, Anne de Montmorency et Madeleine de Savoie, s’inspirant des représentations de la famille de Montmorency sur les vitraux de la collégiale de Montmorency et sur ceux d’Ecouen aujourd’hui au château de Chantilly.

* tabernacle : Petite armoire fermant à clé, qui occupe le milieu de l'autel d'une église et contient le ciboire (vase sacré) cf. Petit Robert
** absidiole : Petite chapelle en demi-cercle d'une abside (extrémité d'une église derrière le choeur) cf. Petit Robert